Autisme et comportement alimentaire

Autisme et comportement alimentaire

Par Aline Reinbolt, Psychologue

Introduction

L’autisme est défini comme un trouble neuro-développemental.

On trouve souvent dans la littérature concernant les personnes autistes, des familles se plaignant des troubles alimentaires de leur enfant (tétées anormalement longue, refus de passer à la nourriture solide, préférences mono-alimentaires). Quelle en est leur origine ? Ces troubles apparaissent souvent très tôt dans la vie de l’enfant et ne sont envisagés que sur un mode psychoaffectif alors qu’on devrait prendre en compte d’autres paramètres : retards et anomalies de développement, prématuré, anoxie néonatale, anomalies cérébrales observées au scanner etc. qui pourraient expliquer la nature des troubles constatés.

Quelles sont les capacités à évaluer afin d’accompagner les personnes avec autisme lors des repas ?

Capacités physiologiques et biologiques

1. La mastication

Est-elle correcte pour l’âge chronologique, pour l’âge développemental ? Est-elle partielle ou inexistante ?

La mastication met en jeu une activité musculaire et un contrôle neurologique. Elle a un rôle dans la préparation du bol alimentaire, c’est-à-dire dans la modification de la consistance des aliments. Elle participe également à l’optimisation du goût, à son maintien en mémoire. Elle joue un rôle dans la sensation de satiété.

Chez les personnes avec autisme, on peut observer le stockage en bouche d’un volume important qui peut ensuite être avalé d’un coup, sans être mastiqué.

Ces altérations du temps masticatoire peuvent entrainer des perturbations concernant la dentition, la digestion et des dysfonctionnements sensori-gustatifs

2. La déglutition

Est-elle primaire ou mature ?

L’observation nous montre que plus de la moitié des personnes adultes avec autisme présentent encore une déglutition primaire. Une déglutition où le temps buccal et le temps pharyngé ne sont pas distincts : elles avalent immédiatement toute nourriture ou boisson qu’elles mettent dans leur bouche comme le font normalement les bébés. L’étiologie des troubles peut être multifactorielle (génétique, neurologique, neuromusculaire, environnementale, ou encore psychosociale) et agir seule ou en combinaison. Les troubles massifs de l’apprentissage rencontrés chez les personnes avec autisme peuvent également expliquer certains de ces troubles.

La personne peut alors faire des fausses routes c’est à dire l’inhalation de nourriture ou de boisson.

3. Le goût

Le goût est un phénomène multimodal qui met en jeu la vision, l’olfaction, l’audition (bruits dans la cavité buccale) et la somesthésie (sensibilité) buccale.

Il existe chez les personnes avec autisme, des particularités sensorielles de type hypo ou hypersensibilité (la personne ne réagira pas à certains stimuli ou au contraire réagira de façon exagérée), de surcharge (trop d’informations reçues en même temps ne pourront être traitées), de distorsion, des difficultés de perception multimodale.

La personne avec autisme peut présenter une sélectivité alimentaire. Cette dernière est expliquée par une origine développementale, par un retard neurologique.

La présence de pica (ingestion d’objets ou de substances non comestibles) est fréquente chez les personnes avec autisme. Le pica peut être mis en rapport avec des difficultés cognitives importantes et peut avoir une origine neuro-développementale.

Facteurs socioculturels et psycho-affectifs

Notre comportement alimentaire est ancré dans notre culture. L’enfant intègre ses règles par un bain social permanent sous la forme d’une transmission intergénérationnelle (familiale, aliments familiers) et une transmission intra générationnelles (une grande influence des pairs est notée entre 3 et 5 ans).

Les personnes avec autisme montrent une certaine indifférence au modèle socioculturel. Les difficultés observées dans le domaine des interactions sociales jouent un rôle dans la mise en œuvre et la persistance d’une sélectivité parfois importante. Les difficultés d’imitation, d’attention conjointe, de généralisation, de perception de sensation… entravent la transmission du comportement alimentaire.

Le repas, acte éminemment social, est également perturbé. La personne avec autisme peut marquer son aversion des situations collectives (troubles des relations sociales, incompréhension de la situation, bruit …) et sa difficulté à exprimer ses choix et ses ressentis, dû à un trouble de la communication.

Pistes de rééducation

Quelle que soit l’origine des troubles : génétiques, neurologiques, posturaux, moteurs, respiratoires mais aussi psycho-affectifs, il est essentiel de prendre un temps de prise en charge. Le repas est un des plaisirs fondamentaux de la vie humaine. C’est un moment qui doit être privilégié. La rééducation ne doit pas être subie car trop contraignante ou trop longue mais introduite progressivement et souvent en dehors des repas. La prise en compte des troubles du comportement alimentaire de la personne autiste doit se faire dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire et de la famille.

Par conséquent différents troubles sont à prendre en compte : troubles de la posture, troubles de la motricité fine, trouble de la mastication, trouble de la déglutition, trouble de la communication expressive et réceptive et également, les habitudes culturelles et le mode de fonctionnement des repas familiaux.

Une vigilance doit également être portée sur la saveur, la chaleur, la texture, l’aspect visuel des aliments et des affects résultants des informations recueillies. 

Pistes d’activités éducatives

Ateliers cuisine : 

  • Travailler sur les menus
  • Travailler sur les interactions et observations (qu’est-ce l’enfant ou l’adolescent aime manger ?)
  • Travailler sur les quantités
  • Travailler sur les condiments
  • Organiser des moments conviviaux autour du repas (anniversaire, fête …)
  • Création d’un cahier de goûts pour favoriser l’évocation et la mémorisation afin de créer des images mentales