Image du corps et handicap

Par Chantal Sterckeman, Psychologue

L’image de soi

« L’autre n’est autre que parce qu’il est à la fois semblable et différent » (Vladimir Jankélévitch)
« Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de nous renvoyer notre image » (Jean Cocteau)

L’image et l’estime de soi sont influencées par le regard de l’autre.
L’image du corps, l’estime de soi et l’identité sont modelés par les critères sociaux, les normes, les valeurs familiales.
Le corps, dans son intégrité, est à la base de la construction de l’identité.

La construction de soi

La construction de soi s’établit par :

  • son histoire
  • la place qu’on lui donne familialement, socialement
  • le regard porté sur lui, par lui-même
  • l’image renvoyée par le regard de l’autre

dans l’environnement proche de l’enfant puis représenté par la société dans son ensemble.

Le sentiment d’unité corporelle

L’enfant perçoit sa propre image dans le miroir d’abord comme celle d’un autre puis comme une image enfin, comme son image. L’image du corps s’élabore entre 18 et 24 mois, le moi se construit peu à peu, il dira « je ».

La représentation du corps

Des changements lents s’intègrent. L’identité de genre s’affirme, par l’identification au parent de même sexe, par la reconnaissance de différences anatomiques.

La comparaison entre soi-même et autrui

Dés 3 ans, l’enfant commence à prendre en compte les caractéristiques de sa propre personne.

L’image de soi

Elle se construit dès la naissance dans les premiers liens, elle s’acquiert et évolue tout au long de l’existence.
C’est l’ensemble du savoir positif ou négatif que l’on a sur soi.
C’est le résultat d’une construction psychique.
C’est le produit d’une activité cognitive.
Elle évolue au fil du développement, par comparaison aux autres.

C’est quand s’éveille la conscience de soi que s’éveille le souci de l’image de soi

L’image de soi se construit dans le jeu de la différence et de la ressemblance.

Pour ce faire, elle nécessite à la fois :

  • une reconnaissance d’une ressemblance aux parents. L’enfant doit être reconnu comme semblable avant d’être différent.
  • une reconnaissance de la différence pour exister en tant que soi. Si les différences apparaissent majeures et masquent les similitudes, l’autre ne peut pas être reconnu comme semblable.

Elle se construit par les expériences agréables ou douloureuses, au travers du regard des autres.

L’estime de soi

Elle est proportionnelle à la satisfaction corporelle qui correspond à la proximité entre corps idéal et corps perçu.
Plus l’écart entre forme perçue et forme idéalisée augmente, plus l’insatisfaction augmente.
Plus l’âge augmente, plus l’insatisfaction corporelle grandit.

L’enfant ne se sait pas handicapé à la naissance

C’est le regard de l’autre, parfois même avant la naissance qui le renvoie à son identité de personne handicapée :

  • risque que le handicap à la naissance fragilise la construction psychique de l’enfant,
  • risque qu’il ne puisse répondre au désir parental (deuil de l’enfant rêvé, idéalisé, à faire par les parents, par la fratrie),
  • lecture par les parents dans le regard des autres de handicap de leur enfant,
  • le nom d’ “handicapé” par les autres avant de l’être pour lui-même.

Difficultés pour l’enfant en situation de handicap dans la vie quotidienne et auprès des gens qui l’entourent du fait de son handicap et de l’image que lui renvoie autrui :

  • trouver un modèle pour se construire, construire une conscience de soi quand la différence marquée prend le dessus sur les ressemblances,
  • se construire une identité derrière l’appellation « handicapé »,
  • se construire à travers un regard posé sur le handicap plus que sur lui-même. Si l’on ne distingue pas le handicap de la personne, comme si la déficience définissait l’identité parce que ce serait la première chose que l’on voit,
  • découvrir par lui même ses incapacités et ses limites, il est très rapidement objet d’évaluation et de soin,
  • faire exister le corps plaisir à coté du corps soin,
  • avoir des influences négatives sur le sentiment de satisfaction lors d’expériences de stigmatisation,
    souffrir moralement dû à l’image que les personnes en situation de handicap ont d’elles-mêmes, avec risque de repli sur soi ou d’affirmation provocatrice de soi, d’évitement d’expérimentation, d’inhibition corporelle (ce n’est pas l’échec qui pousse l’enfant à se déprécier, c’est le regard des autres face à ses échecs),
  • avoir une image dégradée de soi qui contribue à modifier le comportement des personnes en situation de handicap à l’égard d’autrui et qui accentue la différence.

Pour accepter le regard de l’autre, et obtenir un sentiment de satisfaction :

  • pratique d’activités valorisantes,
  • exploitation du sentiment de compétence, notamment physique,
  • transfert pour affecter les autres dimensions de l’estime personnelle (cognitive, sociale, apparence, conduite..),
  • soutien social,
  • développement du sentiment d’intégration, de pouvoir mener une vie “normale”, de se référer et de s’identifier aux autres,
  • reconnaissance de la singularité.